MICHA LAURY

Nautilus in the Sky

jusqu'au / until 09.06.2007

Bibliothèque de la Part-Dieu, Lyon

http://www.michalaury.com

http://www.bm-lyon.fr/expo/07/nautilus/index.html

Micha Laury Interview

- Comment les méduses arrivent-elles dans votre travail, qui est plut?t basé sur des consonances politiques ?

- Mon travail est toujours relié au monde qui nous entoure, avec un sens social ou psychologique ou politique depuis le début. Il m'est difficile de concevoir un travail anodin, il me faut une relation au monde, plut?t dans le sens dur du terme.

- Depuis combien d'années travaillez-vous sur ce projet ?

- J'ai commencé à m'intéresser aux méduses en 2000, en lisant un article scientifique. Au début du processus de développement des formes de vie, il y a eu pendant 3 milliards d'années des bactéries unicellulaires. Ensuite sont apparues les algues, les éponges, et les méduses.Depuis 650 millions d'années qu'elle existe, la méduse a gardé sa forme d'origine et en même temps s'est transformée pour d'autres formes marines. Elle a donc traversé toutes les ères... Sa capacité à survivre et à surmonter les changements brutaux de la planète est exceptionnelle.Sa particularité de reproduction, aussi, est remarquable : pour une partie de son cycle, la méduse se reproduit en se partageant, comme en se dupliquant. A ma connaissance, ce sont les seules créatures pluricellulaires qui se reproduisent par clonage.

- Est-ce l'aspect mythique ou mythologique qui vous a intéressé?

- Bien s?r, il y a le mythe de l'antiquité, Méduse qui pétrifie. Il y a aussi ce rapport de la méduse à la mort : une certaine catégorie de méduse provoque la mort en 2 minutes. Elle peut tuer des espèces beaucoup plus fortes qu'elles. Il y avait donc dans la méduse une sorte de contradiction, entre sa douceur formelle, sa mollesse, et son pendant extrêmement violent, de souffrance physique et dans certains cas, de danger de mort. Elle nous montre un espace minime entre la vie et la mort.

- L'installation que vous avez con?ue n'a-t-elle pas par ailleurs un potentiel métaphorique très fort ?

- Effectivement... Toute chose peut avoir ce potentiel métaphorique. Ses caractéristiques en tout cas invitent à de nombreuses associations d'idées. De plus, avec la dérive des continents, j'ai recoupé des cartes, et je me suis aper?u que la mer a recouvert à peu près toutes les parties du globe, à un moment ou à un autre. Donc ici à Lyon, nous sommes aussi sur un emplacement où il a peut être existé des méduses ! L'installation peut évoquer une sorte d'esprit qui reviendrait.

- Formellement, les méduses évoquent irrésistiblement les tournures de l'antiform*...Cela vous a-t-il intéressé aussi ?

- Oui, évidemment leurs caractéristiques Antiform font appel à l'histoire de la sculpture contemporaine, mais la beauté visuelle et la fascination physique, mêlées à la répulsion et au danger de mort, sont ce qu'il y a de plus attirant là dedans.

- Avez-vous transformé, outré les couleurs, les dimensions ?

- Pas du tout ! Il y a des méduses de cette taille, d'autres bien plus grandes, et les couleurs peuvent être vives et franches. J'ai reproduit en silicone des méduses plus ou moins réalistes.

- Cette oeuvre est-elle politique au sens strict ?

- Non. Mais elle suscite de nombreuses interprétations, des questions : origine de la vie, vie et mort, violence et défense naturelle, déplacement, clonage, ces sont des sujets qui m'intéressent. Notre mémoire est aussi sollicitée, mémoire corporelle de peur et répulsion de ceux qui ont été br?lés par les méduses.propos recueillis par Fran?oise Lonardoni
Lyon, mars 2007

* Antiform : dans les années 1968, l'artiste américain Robert Morris élargit la notion d'oeuvre d'art en acceptant le hasard, les formes accidentelles, imprécises. L'Antiform rejette en même temps les formes durables, pré-déteminées.

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